[Raw Nerve 2] Croire que vous pouvez changer

Voici la traduction du deuxième article de la série Raw Nerve d’Aaron Swartz.

Croire que vous pouvez changer

Cet article est la deuxième partie de la série Pensée Sensible.

Carol Dweck était obsédée par l’échec. Vous savez que certaines personnes semblent réussir tout ce qu’elles font, alors que d’autres semblent impuissantes, condamnées à une vie d’échecs constants? Dweck le remarqua aussi — et elle était déterminée à comprendre pourquoi. Elle commença donc à observer des enfants, essayant de voir si elle pourrait repérer la différence entre les deux groupes.

En 1978, dans une étude avec Carol Diener, elle donna aux enfants différents casse-têtes et enregistra ce qu’ils disaient alors qu’ils essayaient de les résoudre. Très vite, les enfants résignés commencèrent à s’en vouloir: « Je m’embrouille », disait l’un; « Je n’ai jamais eu une bonne mémoire », expliquait un autre.

Mais les énigmes continuaient d’arriver — et devinrent plus difficile. « Ce n’est plus drôle du tout », s’exclamèrent les enfants. Mais ils y avaient toujours plus de casse-têtes.

Les enfants n’en pouvaient plus. « J’abandonne », insistèrent-ils. Ils commencèrent à parler d’autres choses, essayant de penser à autre chose qu’à l’assaut continu de ces casse-têtes difficiles. « Il y a un concours de talent ce week-end, et je serai Shirley Temple », disait une fille. Dweck leurs donna juste des énigmes plus compliquées.

À partir de ce moment-là, les enfants perdirent leur sérieux, comme s’ils pouvaient cacher leur échec en faisant bien comprendre que depuis le début ils n’essayaient pas. Bien qu’informé régulièrement que c’était faux, un garçon continua de choisir brun comme réponse, en répétant: « Gâteau au chocolat, gâteau au chocolat ».[1]

Peut-être que ces résultats ne sont pas surprenants. Si vous avez déjà joué à un jeu de société avec des enfants, vous les avez probablement entendus dire toutes ces choses et plus (Dweck semble avoir manqué la partie où ils prennent le jeu et lancent toutes les pièces sur le sol, puis s’enfuient en hurlant).

Mais, ce qui la stupéfia — et changea le cours de sa carrière — fut le comportement des enfants victorieux. « Tous le monde a un modèle, quelqu’un qui montre le chemin à un moment critique dans la vie, » écrivit-elle plus tard. « Ces enfants étaient mes modèles. Ils savaient vraisemblablement quelque chose que j’ignorais et j’étais déterminée à découvrir quoi. »[2]

Dweck, comme beaucoup d’adulte, avait appris à cacher sa frustration et sa colère, pour répondre poliment « Je ne suis pas certaine de vouloir encore jouer » plutôt que de taper sur le plateau. Elle comprit que les enfants victorieux devaient faire de même – ils possèderaient des tactiques pour surmonter l’échec au lieu d’être démoralisés par celui-ci.

Mais ce qu’elle trouva fut radicalement différent. Les enfants victorieux ne vivaient pas seulement avec l’échec, ils l’aimaient ! Lorsque cela n’avance pas, ils ne commençaient pas à se blâmer, ils se léchaient les babines et disait « j’aime le défi ». Ils auraient dit des choses comme « Plus ça devient dur, plus dur je vais essayer ».

Au lieu de se plaindre que ce n’était pas drôle lorsque les énigmes devenaient plus difficiles, ils se motivaient eux-mêmes, disant « J’y suis presque maintenant » ou « je l’ai fait avant, je peux le refaire ». Un enfant, après qu’on lui eut donné une énigme très difficile, une qui était supposé être clairement impossible à résoudre, leva juste les yeux vers l’expérimentateur avec un sourire et dit: « Vous savez, j’espérais que ce serait instructif ».[3]

Qu’est ce qui ne va pas chez eux?

Dweck découvrit que la différence résidait dans l’état d’esprit. Dweck avait toujours pensé que « les qualités humaines sont gravées dans le roc. Vous étiez intelligent ou vous ne l’étiez pas, et l’échec signifiait que vous ne l’étiez pas ». C’est pour cela que les enfants résignés ne pouvaient pas le supporter lorsqu’ils commençaient à échouer. Cela leur rappelait juste qu’ils étaient mauvais (ils devenaient confus facilement, ils avaient « une mauvaise mémoire »). Bien sûr, ce n’était plus drôle du tout – pourquoi serait-ce amusant qu’on vous rappelle constamment que vous êtes un échec? Pas étonnant qu’ils essayaient de changer de sujet; Dweck appela ça « l’intelligence statique » – la croyance que vos compétences sont fixes et que le monde est juste une série de tests qui montre combien vous êtes doué.

Les enfants victorieux croyaient précisément le contraire: que tout arrivait par l’effort et que le monde était plein de défis intéressants qui pourraient vous aider à apprendre et à évoluer. (Dweck appela ceci « l’intelligence dynamique ».) Voilà pourquoi ils étaient si excités par les énigmes les plus difficiles – les plus faciles n’étaient d’aucune façon des défis, il n’y avait rien que vous puissiez apprendre d’elles. Mais celles vraiment difficiles? Celles-là étaient fascinantes – une nouvelle compétence à développer, un nouveau problème à conquérir. Dans des expériences ultérieures, des enfants demandèrent même à emporter des casse-têtes à la maison pour qu’il puisse y réfléchir plus longuement.[4]

Il fallut un élève de cinquième pour l’expliquer: « Je crois que l’intelligence est une chose qui se travaille… ce n’est pas quelque chose qui vous est donné… La plupart des enfants, si ils ne sont pas certain d’une réponse, ne lèveront pas la main… Mais ce que je fais d’habitude, c’est lever la main, car si je me trompe, alors mon erreur sera corrigée. Ou alors je lèverai ma main et dirai… « Je ne comprends pas ça. Pouvez-vous m’aider? » Juste en faisant cela, j’augmente mon intelligence. »[5]

Avec l’intelligence statique, le succès vient en prouvant que vous êtes fantastique. L’effort est une mauvaise chose – si vous devez faire des efforts et poser des questions, vous ne pouvez manifestement pas être très bon. Lorsque vous trouvez quelque chose que vous faites bien, vous voulez le faire encore et encore, pour montrer combien vous y excellez.

Avec l’intelligence dynamique, le succès vient de l’évolution. L’effort est essentiel – c’est ce qui vous fait mûrir. Lorsque vous devenez bon dans un domaine, vous le mettez de côté et cherchez quelque chose de plus difficile pour continuer de mûrir.
Les personnes à l’intelligence statique se sentent intelligentes lorsqu’elles ne font pas d’erreurs, les personnes à l’intelligence dynamique se sentent intelligentes lorsqu’elles ont du mal à faire quelque chose pendant un certain temps et qu’elles comprennent finalement. Quand les choses vont mal, les statiques tentent de blâmer le monde, les dynamiques cherchent ce qu’ils peuvent changer en eux. Les statiques ont peur de faire des efforts – car s’ils échouent, cela signifie qu’il y a un échec. Les dynamiques craignent de ne pas essayer.

Au fur et à mesure de ses recherches, Dweck continua de trouver cette différence dans toutes sortes de situations. Dans les relations, les esprits dynamiques cherchent des personnes qui pourront les pousser à être meilleur, les esprits statiques veulent seulement quelqu’un qui pourra les mettre sur un piédestal (et qui devra livrer de terribles combats lorsqu’ils rencontrent des problèmes). Les CEOs à l’esprit dynamique n’arrêtent pas de chercher des nouveaux produits et des améliorations, ceux à l’esprit statiques réduisent la recherche et tentent de tirer le moindre profits d’anciens succès. Même en sport, les athlètes à l’intelligence dynamique progressent grâce à une pratique régulière, alors que les esprits statiques blâment leurs faibles compétences devant leur entourage.

Mais Dweck appliqua une intelligence dynamique à la question de l’état d’esprit – et découvrit que votre état d’esprit pourrait être modifié. Même de petites interventions – comme de dire à des étudiants qu’ils se débrouillent bien, car ils font des efforts, plutôt que parce qu’ils sont intelligents – avait des effets considérables. Avec plus de travail, elle pourrait complètement changer des personnes à l’esprit statique en fervent adeptes d’un esprit dynamique.

Elle-même changea, passant d’un fervent état d’esprit statique, cherchant toujours des excuses pour prouver combien elle était intelligente, à un état d’esprit dynamique, à la recherche de nouveaux défis. C’était difficile: « comme je prenais plus de risques, j’aurais pu ressasser ma journée et voir toutes les erreurs et les revers. Et me sentir misérable. [Vous vous sentez nul]… vous voulez sortir précipitamment et accumuler du score. » Mais elle résista à l’envie – et devint une éminente psychologue à la place.[6]

La première étape pour s’améliorer est de croire que vous pouvez vous améliorer. Dans son livre Mindset, Dweck explique comment répondre à son état d’esprit statique. Celui-ci dit : « Et si tu échoues ? Tu seras un échec.» L’état d’esprit dynamique répond, « La plupart des gens qui réussissent ont rencontré des échecs en chemin. »[7]

Lorsque j’ai entendu parler de cette étude pour la première fois, j’ai juste pensé: c’est sympa, mais je fais déjà tout ça. Je crois fermement que l’intelligence peut changer et qu’un talent peut s’acquérir. En outre, je dirais que je suis pratiquement un esprit dynamique compulsif. Mais j’ai remarqué qu’il y avait des choses à propos desquelles j’avais un état d’esprit statique.

Par exemple, j’avais l’habitude de penser que j’étais introverti. Tout le monde m’avait toujours dit qu’on était soit quelqu’un d’extraverti, soit quelqu’un d’introverti. Dans mon jeune âge, j’étais plutôt timide et j’appréciais la compagnie des livres, cela semblait indéniable: j’étais quelqu’un d’introverti.

Mais en grandissant, j’ai découvert que ce ne pouvait certainement pas être le fin mot de l’histoire. J’ai commencé à être bon pour mener une conversation ou faire rire les gens avec une blague. J’aime raconter des histoires lors d’une fête ou m’affairer dans une pièce en saluant les gens. J’en tire de l’adrénaline! Bien sûr, je ne suis toujours pas la personne la plus festive que je connaisse, mais je ne pense plus que nous entrons complètement dans l’une ou l’autre des catégories.

L’état d’esprit dynamique est devenu une sorte de code pour ma compagne et moi. À chaque fois que nous sentons l’autre se mettre sur la défensive ou refuser d’essayer quelque chose parce que « je suis pas bon dans le domaine », nous disons « Esprit dynamique! » et essayons d’approcher le problème comme une chance d’évoluer, plutôt que comme un test de nos capacités. Ce n’est plus effrayant, c’est seulement un autre projet sur lequel travailler.

Juste comme la vie elle-même.

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18 Août 2012

[1] Carol I. Diener and Carol S. Dweck, “An Analysis of Learned Helplessness: Continuous Changes in Performance, Strategy, and Achievement Cognitions Following Failure,” Journal of Personality and Social Psychology, 36:5 (May 1978), 451—462. ?
[2]. Carol Dweck, Mindset: The New Psychology of Success (2007), 3. ?
[3]. Carol S. Dweck and Ellen L. Leggett, “A Social-Cognitive Approach to Motivation and Personality,” Psychological Review, 95:2 (1988), 256—273. ?
[4]. Claudia M. Mueller and Carol Dweck, “Praise for Intelligence Can Undermine Children’s Motivation and Performance,” Journal of Personality and Social Psychology, 75:1 (July 1998), 33–52.
[5]. Mindset, 17. ?
[6]. Mindset, 225.
[7]. Carol Dweck, “How can you change from a fixed mindset to a growth mindset?,” mindsetonline.com (visité le 18-08-2012). ?

Article original : http://www.aaronsw.com/weblog/dweck

Anonyme

Auteur/autrice : Victor

Ingénieur en informatique de formation et de métier, j’administre ce serveur et son domaine et privilégie l'utilisation de logiciels libres au quotidien. Je construis progressivement mon "cloud" personnel service après service pour conserver un certain contrôle sur mes données numériques.

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